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Mon père s’affairait dans la cuisine comme toujours, un coup de baguette et la casserole frémissait doucement, il y plongea les légumes coupés et tournait frénétiquement la cuillère en bois d’un geste sec et pourtant qui était devenu une habitude au fil des années.
« Sydney chérie, tu peux venir s’il te plait ? » Un soupir s’échappa de mes fines lèvres et je quittais mon livre pourtant intéressant avant de me diriger vers la cuisine où mon père m’attendait, le sourire aux lèvres mais pourtant fatigué, un bol à la main.
« Ma belle tu veux bien apporter ça à ta mère s’il te plait ? » Je n’avais pas bougé, pas d’un pouce je me contentais de regarder mon père droit dans les yeux, les bras croisés. Mon père était sans doute l’une des personnes que j’estimais le plus en ce monde mise à part mon oncle et dieu sait qu’ils étaient rares et le voir ainsi me faisait mal, réellement mal, j’entre ouvris la bouche et ma voix glacial englobait déjà l’ensemble de la pièce.
« Papa… Maman n’est plus parmi nous depuis six ans… » Je savais que ma phrase allait faire l’effet d’une bombe, comme toujours, comme un jour sur deux quand il préparait le bol de potage pour ma mère. Sa réaction ne se fit pas attendre comme toujours, il laissa tomber le bol à terre et s’avança vers moi, ses yeux verts émeraude me fusillaient du regard pourtant cet aveu me faisait autant mal qu’à lui. J’aurais voulu lui dire que c’était faux, que tout ça n’était qu’une stupide blague, que l’on allait entendre la voix faiblarde de ma mère s’élever du salon, pourtant aucune voix s’élevait, personne n’était là pour protester devant l’inavouable vérité. Mon visage restait stoïque, j’avais beau avec quatorze ans, pas une parcelle de mon visage ne montrait la moindre faiblesse, mon père s’avançait vers moi et je sentais sa rage augmentait à chaque pas, sa douleur s’éveiller lentement comme un long serpent vicieux. Une main se posa sur mon épaule, bienveillante et silencieuse, mon oncle me sourit comme il savait si bien le faire et observa mon père avant de soupirer à son tour.
« Gaspard, pas la peine de regarder la petite comme ça, elle n’a fait que dire la vérité… » Mon père détourna le regard vers lui et plissa les yeux en serrant les poings.
« Je sais qu’Ellen est un poids pour tous mais par pitié Gudwal ne dites pas qu’elle n’est plus parmi nous, je suis sure qu’elle ira mieux dans quelques semaines » J’eus un mouvement de recul et baissai les yeux, j’en avais assez, assez de ces crises de démences à répétition de plus en plus fréquente, ma tante psychiatre nous avait expliqué qu’il n’avait pas accepté la morte de la femme qu’il avait aimé pendant plus de dix ans, il n’était pas fou, non, il vivait simplement dans une utopie dont nous étions tous exclus
. « Syd’ vas faire tes devoirs ma puce,… Gudwal je peux te parler s’il te plait ? » Ma tante me fit sursauter quand elle apparut entre nous, silencieuse, le visage fermé et les yeux fixés sur mon père avec un mélange de crainte et d’inquiétude. Je me détachais à contre cœur de mon oncle donc et me refugiais dans le couloir, déterminée à écouter ce que ma tante avait à lui dire.
« Il faut l’emmener à l’hôpital chéri… » Mon oncle la coupa et l’écarta quelque peu de la cuisine ou mon père ramasser les morceaux d’assiette minutieusement.
« Tu plaisantes j’espère ? Je ne l’ai pas couvert toute ces années pour qu’on l’envoi à là-bas aux yeux de tous, tu te rends compte ? » Ma tante soupira légèrement et alluma une cigarette en silence.
« Gudwal on ne peut pas le garder, je sais que c’est ton frère mais je t’en prie, ses crises sont rapprochés et je ne veux pas continuer à le veiller les jours où il est lucide dans la crainte qu’il se tue, Pense à Sydney, ce n’est pas sain de le garder ici » Mon oncle haussa les épaules, il savait que sa femme avait raison mais que pouvait-il faire, c’était son frère jumeau et le voir dans cet état le marquait plus qu’il ne le laissait voir. Il prit sa veste comme il le faisait toujours quand il voulait éviter une conversation,
« Je vais au commissariat Anna, on en reparlera ce soir » Il sortit en rapidement et je regagnai le salon en silence, je repris mon livre, sans un mot et allumai ma première cigarette de la journée.
Il était vingt et une heures et une petite bijouterie reculé mais réputé pour ses bijoux somptueux et prisé de quelques personnalités connues allait fermer. Chose surprenante, il n’avait pour simple sécurité que deux caméras dans le magasin et aucun policier à proximité. Du pain bénie, mes yeux émeraudes avide de violence et d’adrénaline scrutaient l’intérieur, j’entrais donc dans la petite boutique, sourire aux lèvres.
« Bonjour, Mademoiselle ! », Chantonna la vendeuse, pauvre enfant, elle ne savait pas ce qu’il attendait, pour toute réponse je plantai un de mes couteaux dans la caméra, tout en lui souriant. Celle-ci un peu perplexe ne se démonta pas pour autant, un rictus mauvais apparut sur mes lèvres pâles, je n’avais pas pris la peine de me cacher le visage, à quoi bon la jeune femme n’allait pas vivre assez longtemps pour s’en souvenir
« Vous désirez quelque chose ? » M’avançant vers le guichet, je lui montrai toute une vitrine où était disposé une trentaine de bracelet et une dizaine de collier,
« Ceci », la jeune femme toujours souriante,
« Bien sûr, lequel ? » « Tous » « Sauf votre respect je ne pense pas vous pourriez tous vous les offrir », mon regard se durcit, je détestais ce genre de personne qui se croyait bien meilleur que vous en un simple regard.
« Qui a dit que je voulais les acheter » Tout en disant cette phrase je sortis un couteau et le mis bien en évidence sur le comptoir. La jeune femme le vit et haussa les sourcils.
« Ecoutez mademoiselle, la boutique va fermer vous n’aurez pas le temps de tout voir ».
« Ouvrez la vitrine et nous verrons bien », la jeune femme cette fois-ci eut un mouvement de recul,
« Non, je suis désolée, vous devez partir » sa voix était calme mais autoritaire, mes yeux se plantèrent dans les siens, froids, insensible, mon léger sourire disparut, seul mes yeux laissaient présager un destin funeste. Ce fut rapide, en un quart de seconde la jeune femme était déjà plié en deux et commençait à pousser un petit cri rauque, mon fin couteau venait de se planté dans sa main alors que je ne l’avais pas quitté des yeux. Moi ? Je souriais à pleines dents, prenant mon pied comme toujours dans ces moments là
« Je ne le répéterais pas deux fois ouvrez moi la vitrine » Elle réussit à esquisser un petit sourire et un non silencieux. Retirant mon couteau je le plantais de nouveau mais dans son bras cette fois et la jeune femme poussa un cri de douleur
« Je prends ça pour un oui » je retirai à nouveau mon couteau et la vendeuse se tourna pour ouvrir la vitrine. J’aurais dû être plus vigilante vérifier à deux fois avant qu’elle se tourne pour ouvrir, une erreur, une simple erreur j’avais pourtant l’habitude. La femme se retourna un petit calibre à la main, j’eus juste le temps de lâcher un « Wow » qu’elle avait tiré. Je m’étais baisser et je savais que je n’avais que quelques secondes pour agir, le temps qu’elle se remette du fait qu’elle ait tiré. Je passai donc derrière le comptoir et la fit tomber lançant son pistolet à l’autre bout de la boutique, une main sur sa douche, elle en pleurs, moi victime d’un petit rire plus proche de la démence qu’autre chose. «
Tu n’aurais pas dû faire ça tu sais, je voulais juste quelques bijoux… Hum… Tu l’auras voulu… Jouons à un jeu ma chère » Sortant un couteau de ma botte, la jeune femme plaquée au sol tenta de pousser un cri.
« Chuuuut… Ce n’est qu’un jeu… Je vais lancer ce couteau au plafond, s’il se plante, c’en est fini de toi, s’il retombe tu auras la vie sauve ok ? » Je pus voir la peur dans ses yeux et je souris. Je lançai donc le couteau et il se planta, tournant ma tête vers la vendeuse je lui chuchotai
« Dommage » Tout en chantant about a Girl de Nirvana, je l’égorgeai avec un autre de mes couteaux. La laissant là, je pris mon butin, et sortis. Voila ce que j’étais devenu dix-huit ans, et j’avais tué quelqu’un ce n’était pas ma première victime et ça ne serait pas la dernière. Mon cœur battait la chamade, j’étais sereine pourtant comme tout cela était devenu normalité.
« Sydney … Tu peux venir s’il te plait ? » J’enfilais un débardeur bien trop grand pour moi et me dirigeais dans le salon glacial, d’un pas nonchalant, et une cigarette vissée entre des lèvres fines, le regard perdu dans un vide dont moi seule avait le secret. Mon oncle posa mes yeux sur moi dès que j’entrai dans la salle en sa compagnie, son regard devint froid et distant quand il m’invita à m’asseoir.
« Tu voulais …. ? » Pour toutes réponses il me jeta un dossier gris sous le nez, la mâchoire carré et le regard noir, mon oncle me toisait étrangement beaucoup trop étrangement à mon goût. Je poussais un bref soupir, aspirant la fumée cancérigène au fond de ma gorge, j’ouvris le dossier devant moi. Il se trouvait que c’était mon casier, casier judiciaire j’entends.
« Tu comptais me dire quand exactement que tu avais tué des gens Sydney ! … Je veux bien te couvrir pour certaines choses, tu es ma nièce et je dois bien ça à mon frère mais là ! Sydney je peux savoir ce que t’avais fait la bijoutière ? » Un petit rictus se dessina sur mon visage, un rictus malsain et mauvais, je jubilais intérieurement. Ne vous y méprenez je n’étais pas une psychopathe avide de sang, au contraire même il était juste un mal nécessaire, un petit truc que je n’aurais pas voulu mais que j’ai quand même fait malgré moi.
« Absolument rien mon oncle, elle était juste au milieu et a voulu jouer les héros je n’y suis pour rien » C’est à ce moment là que mon oncle vit rouge mais réellement rouge, avec le recul j’aurais dû dire que j’étais désolée accepter de me faire aider et reprendre une vie normale ça m’aurait évité sans doute pas mal d’ennuis mais que voulez vous on n’est pas sérieux quand on a dix-neuf ans.
« Tu n’y es pour rien ? TU N’Y ES POUR RIEN !!! SYDNEY tu as tué une femme et pas qu’une qui ne t’avais absolument rien fait pourquoi ? Quelques bijoux vendus au marché noir ? T’as pris une vie pour ça et tu n’as pas honte » Un air dédaigneux apparut sur mon visage tandis que mon oncle se laissait petit à petit gagner par la rage
. « C’est la loi de la Jungle Gudwal, les plus gros mangent les plus petits et il faut faire parti des gros pour ne pas être mangé » J’ignorais de quand datait ma descente aux enfers mais une chose est sure elle avait été rapide violente et à un point de non retour avancé.
« Va prendre tes affaires jeune fille, qu’on soit clair je ne veux plus jamais revoir ta face de meurtrière chez moi, si tu tiens à carreau et que tu ne reviens plus, ton dossier disparaitra, si tu refais surface… je ne gênerais pas pour te foutre en prison jusqu’à tes trois cent soixante ans, je me suis bien fait comprendre ? » J’hochai la tête et me leva sans un regard pour lui. Je suis partie de chez moi ce jour là je suis partie vers New York la terre promise, sans me retourner sans dire au revoir, je tirais un premier trait sur mon passé.
Le rideau était tombé, une nouvelle fois, une fois de plus et déjà quatre filles avaient pris ma place sur scène et se trémoussait gaiment devant les clients, je les regardais, un œil absent, l’autre rivé sur les spectateurs avant de retourner à ma loge tranquillement. Enlevant les premières pinces qui retenaient mes cheveux blonds je les laissais retomber en cascade dans mon dos tandis que je m’effaçais le surplus de maquillage. John entra en trombe de la petite pièce une ride, sur le front signe de sa contrariété qui allait forcément me retomber dessus d’une minute à l’autre, j’attendais donc simplement qu’il se mette à hurler ou soupirer quelque chose en somme. Il s’approcha de moi, respirant mes cheveux, et semblait toujours dans ses pensées jusqu’à ce qu’il remonte la tête et que nos regards se croisèrent une petite seconde, un frisson me parcouru, j’éprouvais toujours une certaine crainte quand il était là dans la même salle que moi, il était malsain et puait la perversion, il ne m’avait jamais touché j’avais toujours refusé, mais les autres filles m’avait parlé à demi mot de quelques soirées étranges, je n’avais pas relevé, je ne voulais pas relever.
« Sarah est malade peux tu la remplacer au bar ce soir » Je me tournais vers lui et l’observais en silence, c’était étrange j’admirais et détestais cet homme à la fois, il était mon sauveur et une sorte de bourreau. Quand j’avais quitté la ville mon oncle avait lancé la police à mes trousses et je n’avais trouvé refuge qu’ici dans ce bar type année 50 miteux et mal famé, sa réputation n’était plus à faire tout comme la réputation du gérant, John avait fait prospérer l’affaire en quatre ans et m’avait engager pour chanter de temps en temps et m’occuper des filles qui dansaient plus ou moins nues devant les spectateurs. J’étais la mère, la sœur, la meilleure amie, la confidente de ses filles, plus âgé premièrement, les filles arrivées à 16 ans et repartaient à 18, je ne sais où. John m’avait pris sous son aile sans que je demande rien, j’étais sa chose sa petite poupée qu’il ne pouvait pas toucher, son trophée.
« Pas de soucis , mais deux heures alors, le temps que Marie finissent son tour de danse après je te les laisse, il faudrait que je pense à dormir un peu de temps en temps » il se mit à rire et sourit légèrement.
« Dormir c’est pour les faibles, je te revaudrais ça princesse » Dites ce que vous voulez John était mon ange gardien et mon protecteur aussi malsain qu’il puisse être, et puis je n’étais pas un modèle de pureté non plus, très loin de là. Je m’apprêtais à partir, quand il me retint par le bras.
« Avant que j’oublie j’ai fait arrêter une jeune fille de ton âge te ressemblant aujourd’hui, tu devrais être un peu tranquille quelques temps » J’embrassai sa joue doucement et lui ébouriffait les cheveux doucement
« Merci John t’es un amour » Mon ange gardien je le regardais pensive et je remerciais le ciel de l’avoir rencontré dans les rues de New York quelques année auparavant, non je ne l’idolâtrais pas il était aussi une sorte de Satan, deux facettes opposés et qui se recoupaient sans arrêt. Il savait, il savait qu’il me tenait par les doses de dopes qu’il me refilait chaque semaine et qui faisait que je ne l’avais jamais vraiment quitté, oui j’étais sous son emprise et si j’en souffrais au fond de moi, je n’avais jamais laissé rien paraître, je ne voulais que personne sache que je voulais me barrer de cet endroit et enfin tirer un trait sur ces années de galères mais c’était impossible, enfin je n’en voyais pas la sortie en tout cas et puis pour aller où ? Les flics ne mettraient pas six heures pour me retrouver si je partais, non j’étais bloquée définitivement, dans un tunnel sans sortie, et dans un noir total. En définitive … il y avait peut être une lueur d’espoir, une infime lueur, une ridicule lueur, cette lettre que j’avais reçu pour participer à un voyage dans le temps, je n’avais pas encore répondu… Il était peut-être temps, je tenais peut être mon ticket de sortie en définitive aussi inattendu qu’il soit.
Londres, 1888, on y était, Jack l’éventreur, la terreur qui régnait dans la ville à cette époque, insécurité, captivant, réellement captivant. Les rues pavées et les gens si différents, nous faisions partis de l’histoire à présent et sans doute à jamais. Mes sens était en éveil tandis que j’observais le soleil londonien se lever du haut d’un toit escarpé, un pipe dans la bouche, j’aspirais la fumée d’un air absent, me grattant la nuque où était implanté la puce je ne voulais penser à rien. Se faire traiter comme des genres de bestiaux me dérangeait un peu mais je faisais avec, je n’allais pas piquer une crise alors que j’avais réussi à fuir ma vie, plus de flic, plus de John, plus rien pendant un temps, indeterminé certes mais j’avais l’impression de profiter enfin de la vie après toute ces années j’avais enfin l’impression d’être libre de mes faits et gestes. De plus personne ne me connaissait ici, aucun préjugée ni rien de tout ça et c’était agréable, il fallait l’avouer. Quand Jack, je demandais à voir, le voir le fameux éventreur celui qui avait terrorisé Londres pendant des années, il me fascinait je crois quelque part ou étais-je légèrement maso… sans doute les deux quand j’y pense mais avouez un tête à tête avec Jack, il n’avait rien de plus tentant et excitant.